MA PREMIERE SCOLARITE – 1930-1936
Je suis né à la ferme de Branleix à Mernel (Ille-et-Vilaine) en 1925. Ma première scolarité se déroule à l’Ecole des Frères des Ecoles Chrétiennes Saint-Louis à Maure-de-Bretagne, comme également mes frères et aussi bien nombre de garçons du voisinage, cousins ou autres. Deux kilomètres et demi à pied chaque jour, matin et soir, traversant le bourg de Mernel souvent en chantant. Toutefois, les jours de la foire de Maure ou les jours de très grosses pluies – ce qui arrivait souvent à l’époque (plus que maintenant) –nous étions emmenés ou ramenés de l’école par les parents des uns ou des autres en voiture à cheval.

Pendant six ans, très assidu à l’école sauf un seul jour où la petite bande d’écoliers me condamne ou me désigne à mon tour à « faire le renard » attaché à un arbre dans le bois de la Pacaudais, d’où je me libérai sans doute assez vite pour rentrer « penaud » à la maison.
L’ambiance scolaire chez les Frères, studieuse et rigoureuse – les punitions pleuvent aisément (pas moi bien sûr), cahiers dans le dos pour les cancres, coups de règle sur les doigts, tirer les oreilles, cachot, piquet dans la classe ou dans la cour, la panoplie classique chez les Frères à cette époque d’avant guerre. Le retour de l’école le soir, bruyant – notre bande faisait pas mal de dégâts à droite et à gauche, rapportés à nos familles par la rumeur publique, puis lourdement sanctionnées à la maison. A la maison, où les loisirs étaient rares : pas d’électricité (elle n’est arrivée à la ferme qu’en 1946) donc pas de TSF, pas de téléphone bien sûr, pas de radio, qu’on allait de temps en temps écouter au bourg. On aidait le plus souvent aux activités de la ferme. Quant à moi, le nez dans mes livres, dont surtout le livre d’électricité, cette inconnue qui me passionnait et qui m’avait été prêté par un Frère de l’école, je gardais les vaches – certaines mauvaises langues (mes cousines de l’autre ferme) racontaient injustement que c’étaient les vaches qui me gardaient (faux bien sûr) et puis, chaque soir, les leçons étant apprises, puis récitées par cœur – catéchisme compris – à la lumière de la lampe à pétrole – juste avant la prière du soir, dite en famille.
Sagement, en 1936, je passe mon CP et le certificat d’instruction religieuse, chez les Frères, on passait nécessairement les deux – Reçu aux deux avec les félicitations du Colonel de Talhouët – Président de l’Amicale de l’Ecole et fervent catholique devant l’Eternel.
MA DEUXIEME SCOLARITE – 1936-1940
Comme il n’était pas question que nous restions tous les quatre à la ferme et que, paraît il, j’étudiais bien, on m’expédie d’office, toujours chez les Frères, à la maison mère qu’était le Collège La Mennais à Ploërmel, fréquenté par un certain nombre d’élèves du Canton de Maure. On est à Ploërmel pour étudier et aussi assister régulièrement aux offices.

La discipline y est quasi militaire – une seule sortie par trimestre – à Noël et Pâques – les punitions, y compris corporelles, sont courantes, et parfois dégénèrent pour certains « durs » en des bagarres cinglantes avec les profs et surtout les pions, suivies bien entendu de l’exclusion du forcené.
Enfin, le temps passe, la guerre éclate et à l’été 40, en pleine défaite, je passe sans problème mon BEP.
MA TROISIEME SCOLARITE – 1940-1943
Comme, semble-t-il, je ressentais déjà la velléité de devenir vétérinaire, c’était normal pour un fils d’agriculteur, sur recommandation de M. Lagrée, maire de Maure, mes parents m’envoient dans la foulée du Brevet, continuer mes études au Collègue Saint-Sauveur à Redon, pour y préparer le nécessaire Bac, le collège étant tenu par des Pères Eudistes. La discipline comme à Ploërmel, accentuée du fait même de la guerre – les douches froides uniquement. La première année à Saint-Sauveur, j’ai eu comme tuteur Léon Crezé – de Maure – qui, je le rappelle, à l’automne 44, fut tué, étant alors lieutenant des FFI à l’approche de la libération de Strasbourg.

Ma préparation au Bac fut particulièrement studieuse – nous n’étions que deux en Section Moderne, ce qui me permit d’avoir un professeur d’espagnol pour moi tout seul (un ancien missionnaire au Vénézuela) et aussi d’obtenir, à l’écrit comme à l’oral, une note de 20/20 ! Même chose en physique.
En 1943, donc l’année du Bac – qui avait lieu à Vannes, je crois, je décide de passer l’examen d’entrée à l’Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort, en faisant un voyage épique dans le train qui m’emmenait, en pleine guerre, de Rennes à Paris, sans fiche d’admission – formalité nécessaire pendant la guerre. Contre toute attente, je suis reçu à l’école (j’étais bon en Sciences Naturelles !). Malheureusement, je n’y entrerai pas, car peu de temps après, l’Ecole déménageait à Lyon ou Toulouse et je ne pouvais pas suivre.
A propos des trois années que j’ai passées à Redon – années de guerre – les retours à Branleix étaient plutôt rares et compliqués, pratiquement limités aux grandes vacances – les privations – cartes de rationnement de rigueur – étaient heureusement compensées par les envois de colis de victuailles de la ferme.
En février 43, nous eûmes malheureusement l’immense peine de voir disparaître, après de grandes souffrances supportées magnifiquement, notre sœur Marie, morte des suites d’une septicémie contractée quelques mois plus tôt. La pénicilline étant introuvable, mais disponible peu de temps après, l’eût probablement sauvée. Cette mort à 20 ans a plongé toute la famille dans une grande détresse – ma mère en sera pour longtemps déboussolée.

Quelques mois après, je passais mon bac – avec l’issue que j’ai décrite plus haut.
MA QUATRIEME SCOLARITE – 1943-1946
L’issue Maisons-Alfort étant close, sans perdre de temps, et toujours fasciné par les sciences, je m’inscris durant l’été 43 à la Fac de Sciences de Rennes.
J’assure ma subsistance – chez ma logeuse de la rue de Brest et mes frais d’études – en corrigeant des copies pour le Lycée Chateaubriand et en donnant des leçons particulières en ville – le week-end et parfois en semaine, je rentre le plus souvent à vélo à Branleix. Je prépare ma licence en trois ans tout en suivant les cours de l’Institut de Chimie dont je suis diplômé en 1945. Entretemps, je vis quelques bombardements à Rennes et surtout à Bruz en mai 44, au cours d’un retour en vélo de Branleix à Rennes – un dimanche soir de communion à Bruz ce jour-là.

Au terme des trois années, j’obtiens ma licence en Sciences et c’est tout à fait au hasard d’une conversation avec mon professeur de physique que celui-ci m’encourage à tenter le concours d’entrée à l’Ecole Supérieure d’Electricité, afin de revenir plus tard, me disait-il, comme professeur assistant ou attaché de recherches à la Fac ! Sans conviction et avec peu d’espoir, car je n’avais fait aucune prépa, à l’inverse de la majorité des candidats.
Malgré tout, je réussis l’écrit sans trop de mal et surtout l’oral, auquel j’étais encore moins bien préparé, et cela grâce à un concours de chances assez extraordinaire que je n’expliquerai pas ici – je dois avouer que j’ignorais presque totalement la moitié des sujets évoqués à cet oral. Grand merci à la chance !

MA CINQUIEME ET DERNIERE SCOLARITE – 1946-1948
Donc, en octobre 1946, j’intègre Supélec à Malakoff, en proche banlieue parisienne, quittant ainsi ma Bretagne natale, pour quelques années tout au mieux. Durant ma scolarité à Supélec – deux ans – je suis hébergé heureusement, car le logement à Paris était à la fin de la guerre un sacré problème – chez des cousins à Villeneuve-le-Roi. Je m’inscris en section dite Radioélectricité – on n’utilisait pas encore le terme Electronique. Beaucoup d’enseignements spécialisés étaient faits par des ingénieurs militaires ou professeurs qui, de près ou de loin, avaient participé à la deuxième guerre mondiale qui venait tout juste de s’achever. Ce fut un enseignement très efficace dont je garderai un souvenir inoubliable. Un bon quart des élèves était constitué par des anciens officiers de l’armée de libération qui suivaient des cours de perfectionnement d’officier radio à l’école.

A la fin de la première année, donc à la mi-47, avec ma licence, je suis admis comme stagiaire au CEA – organisme tout neuf à l’époque, dirigé par Frédéric Joliot – je travaille au service de sa femme Irène Curie un ou deux après-midis par semaine, ce qui paye mes études à Malakoff jusqu’à la fin de la deuxième année. En juillet 48, j’ai 23 ans et j’obtiens sans difficulté mon diplôme d’ingénieur de l’Ecole Supérieure d’Electricité. C’est ainsi la fin d’un périple de 18 années qui m’a amené de Maure vers Paris via Ploërmel, Redon, Rennes, ce qui traduit un cheminement géographique très régulier. Je dois aussi souligner que ces deux années d’école à Malakoff furent encore des années de restrictions dont souffraient beaucoup d’élèves, mais qui, en ce qui me concerne, étaient très atténuées par l’envoi de colis de ravitaillement envoyés de Branleix chez les cousins de Villeneuve-le-Roi.
ET AU PLAN MILITAIRE
Ma jeunesse fut particulièrement tranquille car, par chance, ma classe 1945 ne fut jamais mobilisable ni avant guerre – trop jeune – ni à la fin de la guerre, par manque d’encadrement militaire – ni assujettie au STO durant la guerre.
Mon palmarès militaire est donc modeste : une préparation militaire à Rennes en 44-45 débouchant, en 45, sur un examen passé (en compagnie de mon ami François Lelièvre, de Maure) après un parcours du combattant de 32 kms – effectué pour partie, quant à moi, au retour de mi-forêt, tapi à l’arrière d’un camion militaire américain venant de Saint-Malo, et au final une épreuve de tir au Stade Rennais, épreuve particulièrement réussie grâce à un voisin qui, par inadvertance, avait tiré… sur ma propre cible ! une chance de plus !
Toutefois, comme ancien élève de grande école, j’effectuai en 1952 (guerre d’Indochine) une période d’instruction de cinq semaines au 38 ème Régiment de Transmissions à Laval, d’où je sortis sergent de réserve. Mais je ne serai pas mobilisable, étant alors chargé de famille avec deux enfants (Alain et Michel). Telles sont mes prouesses au plan militaire !
